Amende forfaitaire : persister dans l'inefficacité
Le 17 décembre 2025
En déplacement à Marseille le 16 décembre, le Président de la République a annoncé que le montant de l’amende forfaitaire pour simple usage de produits illicites passerait de 200 à 500 euros. Cette amende forfaitaire délictuelle, à payer immédiatement, était la seule mesure du programme du candidat Emmanuel Macron en 2017 pour lutter contre les drogues. Elle apparait aujourd’hui comme une réponse toujours aussi inefficace face aux véritables enjeux du narcotrafic.
Lorsqu’elle a été instaurée en 2019, l’objectif de cette amende forfaitaire était double : accentuer la répression sur les consommateurs et alléger la charge de travail des services de police et de justice en simplifiant la procédure. Addictions France1, comme d’autres acteurs de l’addictologie, avait d’emblée souligné le manque de pertinence de la pénalisation des consommateurs, qui allait représenter un obstacle supplémentaire pour les personnes en besoin d’accompagnement et de soin. Restait à évaluer l’impact de sa mise en œuvre sur l’activité des policiers, gendarmes et juges.
Le 26 juin 2023, le président avait tiré lui-même un bilan négatif de la mise en application de cette amende dans un entretien au journal La Provence2 : « 350 000 [amendes] ont été dressées en France depuis septembre 2020, dont 29 000 à Marseille. Mais ce que nous avons constaté, […], nous avons un taux de recouvrement de 35 %« . Autrement dit les 2/3 des contrevenants ne payaient pas du tout l’amende qui leur était infligée.
Depuis lors, on a assisté à un développement de nouvelles modalités d’approvisionnement des consommateurs (commandes en ligne, livraison à domicile) au détriment des points de deal. En conséquence, ce sont les clients les moins favorisés socialement, les plus précaires et/ou les plus dépendants qui s’approvisionnent sur les points de deal et sont les plus contrôlés. L’amende forfaitaire accentue donc mécaniquement les inégalités d’accès au système de santé.
Par ailleurs, l’objectif de renforcement de la répression est confronté aux chiffres par rapport aux interpellations « à l’ancienne » sous le régime des Infractions à la législation sur les stupéfiants (ILS) qui tournaient autour de 180 00 par an. Les chiffres publiés par le ministère de l’Intérieur3 évaluent le nombre d’amendes forfaitaires pour usage illicite de stupéfiants à 635 000 depuis sa mise en place à l’automne 2020, soit environ 127 000 par an. Les 194 000 amendes infligées en 2024 ne représentent pas une progression spectaculaire par rapport au volume des ILS auparavant. Parallèlement, le marché de la cocaïne et des produits de synthèse s’est fortement développé, alors que celui du cannabis restait stable.
En effet, indépendamment de son manque de pertinence, les raisons de l’échec de l’amende forfaitaire peuvent s’expliquer par la très faible probabilité pour un usager de se voir notifier une amende forfaitaire : des millions de consommateurs occasionnels ou réguliers d’un côté et de l’autre 530 interpellations par jour en moyenne sur l’ensemble du territoire, alors même que la sanction n’est pas effective pour les 2/3 des contrevenants qui ne la payent pas et souvent ne sont pas solvables.
Cette annonce par Emmanuel Macron d’un relèvement du montant de l’amende forfaitaire va dès lors consister à essayer de faire payer davantage les plus pauvres et les plus dépendants que « les bourgeois des centres-villes », sans rien résoudre à la question de la lutte contre les trafiquants. L’augmentation de l’amende forfaitaire témoigne essentiellement d’une grande capacité à persister dans l’erreur. D’autant que le discours moral tenu par le Président de la République (réprimer les clients « complices » du narcotrafic) est peu recevable car aujourd’hui, quoi qu’on en pense, la classe politique est l’objet d’une grande défiance de la part de l’opinion4.

Bernard Basset, Président d’honneur