Dans une procédure toute nouvelle, dite «accélérée au fond» laquelle est adaptée aux contentieux concernant les infractions sur les réseaux sociaux selon la nouvelle loi économie numérique, Addictions France a assigné deux mastodontes des réseaux sociaux : le groupe META (regroupant les applications Instagram et Facebook) et TikTok.

Pourquoi cette procédure ?

En 2021, différents articles sur internet évoquaient l’élection d’une MissRiflon2021, dont la lauréate arborait fièrement une bouteille de Ricard.  Ce concours était organisé et promu par les comptes Instagram et TikTok d’un mystérieux « YourBestRiflon » présenté comme des comptes réunissant des « fans de Ricard », « n’ayant aucun lien avec la marque ». En revanche rien sur l’identité des détenteurs des comptes.

Addictions France a dans un premier temps engagé plusieurs contentieux pour faire sanctionner les sites qui ont relayé ce concours, organisant ainsi la publicité pour la marque de façon indirecte (Le Télégramme et Actu.fr).

Pour poursuivre le titulaire du compte « yourbestriflon », Addictions France a dû assigner les applications Tiktok et Instagram afin qu’elles retirent les contenus illégaux et communiquent les coordonnées de cette personne.

Tik Tok / Meta, deux salles deux ambiances

Les audiences qui ont eu lieu ce 15 avril 2022 ont montré des choses extrêmement intéressantes. Elles ont aussi permis de voir les deux visages opposés que peuvent avoir les plateformes. D’un côté, nous avons vu un TikTok soucieux de la conformité de sa plateforme à la loi du pays, en l’espèce la loi Evin. Au cours de la procédure contradictoire, TikTok a pris soin de supprimer le contenu litigieux.

A l’opposé, il y a META.  L’entreprise californienne basée en Irlande pour ses activités européennes, s’est défendue en contestant absolument toutes les demandes d’Addictions France, tant au fond qu’en droit, allant même jusqu’à critiquer l’utilisation de notre marque Addictions France, notre légitimité à agir et même la compétence du tribunal.

On ne peut être que sidéré par un tel étalage de mauvaise foi. Surtout, nous peinons à comprendre pourquoi META se refuse à retirer de son plein gré des contenus pour lesquels aucun doute sur l’illégalité ne peut résister à quelques secondes d’analyse, quelques minutes si l’on est vraiment néophyte.

Il s’agit bien entendu d’une stratégie que l’on a pu rencontrer avec les cabinets défenseurs des industriels de l’alcool comme Heineken ou Kronenbourg : diluer un dossier dans la contestation de chaque point, en espérant instiller le doute et surtout éviter d’aborder LE sujet qui fâche : ici, comment faire des réseaux sociaux un espace respectueux des lois. On comprend bien que META ne peut surveiller tout ce que publient les millions de personnes qui fréquentent ses applications, cependant, il doit y a voir un moyen d’améliorer la surveillance des contenus en s’appuyant sur des outils de signalements simplifiés et efficaces.

Ce n’est probablement pas avec cette attitude que META va redorer son image déjà largement écornée par le scandale des Facebook Leaks. La lutte contre le marketing de l’addiction sur les réseaux sociaux ne fait que commencer ! Verdict, le 13 mai 2022.

 

 

Franck Lecas
juriste Loi Evin à Addictions France