Le gouvernement japonais, obsédé par le niveau d’endettement du pays, cherche par tous les moyens à renflouer ses caisses. C’est le seul objectif qui vaille, et qu’importe les dégâts collatéraux. C’est ainsi qu’il a décidé de promouvoir la consommation d’alcool auprès de la jeune génération pour percevoir davantage de taxes. En effet les nouvelles générations de Japonais boivent moins, et l’image du salaryman qui se retrouvait tous les soirs après le travail dans un bar à saké ne correspond plus aux comportements d’aujourd’hui. La consommation d’alcool a baissé de 25% depuis le début du siècle, et les recettes fiscales ont suivi, passant de 5% en 1980 à 1,7% en 2020.

Sans se soucier des conséquences pour la santé, l’administration fiscale a lancé un concours, l’opération « Saké Viva ! ». Il s’agit en fait d’un concours pour trouver slogans ou idées, afin de rendre l’alcool plus attractif chez les 20-39 ans.

Indépendamment de son cynisme (sacrifier la santé pour augmenter les recettes), il n’est pas du tout sûr que cette opération soit bénéfique, même au plan économique. En effet, à long terme les conséquences sur la santé sont inéluctables en termes de cancers, de maladies digestives et autres, ils auront donc un coût pour les finances publiques. Mais les effets négatifs à court terme ne peuvent pas non plus être ignorés. Les comportements inappropriés voire les violences, les accidents, la conduite dangereuse, les hospitalisations pour ivresse, l’entrée dans une consommation à risque élevé, voire la dépendance, ont aussi un coût social que le fisc japonais ignore dans son calcul simpliste. Pour ces technocrates de l’économie nippone, un calcul coûts-bénéfices de cette opération aurait dû s’imposer, et il n’est pas évident que, même sur ce plan, la mesure aurait alors été retenue.

Les œillères du fisc japonais en rappellent d’autres. En France aussi, le coût social de l’alcool (120 milliards par an) est passé sous silence par les décideurs. Et même si le discours est à la prévention chez les jeunes, les alcooliers mettent en permanence sur le marché de nouveaux produits marketing pour les inciter à boire de l’alcool (prémix, vinipops, hard seltzers…), et l’interdiction de vente aux mineurs n’est pas respectée par les commerçants dans 90% des cas.

En France, comme au Japon, on se sert de la même baguette magique qui, à défaut d’être efficace permet de faire semblant de se soucier de la santé. C’est ainsi que le gouvernement japonais, face aux critiques, a simplement rappelé qu’il fallait consommer, mais avec modération. Le même mantra qu’ici, car les alcooliers et leurs soutiens dans l’appareil d’Etat, partagent leurs recettes de communication pour nous faire boire de l’alcool au mépris de notre santé .

Bernard Basset,
Président d’Addictions France