Nous l’écrivons régulièrement ici et dans nos décryptages : la France fut avec la loi Evin adoptée en 1991 un pays précurseur en matière de santé publique. En complétant l’arsenal législatif et réglementaire, le Gouvernement affichait sa volonté de limiter l’accès et la promotion de deux drogues légales, principaux facteurs de mortalité évitable : l’alcool et le tabac. C’est ce que l’on appelle « les interdits protecteurs ». Ces principes sont largement légitimés par la science et font partie des recommandations de l’OMS et de l’OCDE, par exemple.  

Mais si la France est bonne pour adopter des lois, il en est tout autrement pour ce qui est de les mettre en œuvre. Dans certains cas, les textes sont difficilement applicables, dans d’autres, les moyens alloués pour en assurer l’application et/ou le contrôle sont largement insuffisants.  

Pour ce qui concerne la publicité en faveur de l’alcool, Addictions France assure le contrôle du respect de la loi Evin. Si le code de la santé prévoit aussi la compétence de la DGCCRF en la matière, très peu de contrôles sont exercés par cette dernière, compte tenu des très nombreuses missions qu’elle doit piloter au regard des effectifs dont elle dispose.  

Les autres interdits (interdiction de vente aux mineurs, limitation de la vente d’alcool dans les stades, dans les stations-service, etc.) relèvent des services de police en lien avec ceux de la justice, des préfectures et des municipalités (lien celui de la mildeca https://www.drogues.gouv.fr/edition-2022-du-guide-le-maire-face-aux-conduites-addictives). Néanmoins, à ce jour, il existe trop peu d’illustrations de l’action publique sur ces sujets, en dehors de circonstances dramatiques : décès suite à une consommation excessive d’alcool permise par un débitant, vente d’alcool à un mineur suivie d’un accident ayant entraîné la mort, etc. 

Forte de ce constat, la MILDECA a souhaité mobiliser les autorités locales de 4 régions dans le cadre d’une expérimentation : l’île de la Réunion, les Hauts de France, la Bretagne et la Martinique. 

La Réunion s’est particulièrement investie. Ainsi les services de la préfecture en collaboration avec les acteurs locaux ont mis en œuvre et soutenu différentes actions et ont lancé un signal fort en vue d’un meilleur contrôle des interdits liés à l’alcool et au tabac. C’est dans ce cadre qu’Addictions France, partenaire de l’expérimentation a été sollicitée pour former les agents des communes des 4 territoires de la Réunion au travers de 5 sessions en décembre 2022. Ces séances prévoyaient : 

  • Une séquence interactive suivie d’une séquence théorique sur la loi Evin sur les publicités alcool et ses applications 
  • Un rappel des (autres) interdits protecteurs concernant l’alcool 
  • Des mises en  pratique (sous-groupes) 
  • Une réflexion collective sur les mises en œuvre concrète sur le territoire

Cette formation-sensibilisation a été complétée par des actions d’information et de formation des acteurs économiques (lieux de vente sur place et à emporter, boites de nuit) et d’une campagne d’information grand public sur les interdits protecteurs avec le concours des acteurs locaux de l’addictologie C’est ainsi qu’Addictions France a réalisé un spot vidéo sur l’interdit (protecteur) de vente de tabac aux mineurs. Le dispositif de la préfecture prévoit, dans une deuxième phase, une campagne de contrôles des établissements privés avec les forces de l’ordre.  

En ce mois du ”Défi de janvier”, il faut saluer l’engagement de la préfecture réunionnaise sur cette problématique. Un exemple à suivre ! 

 

 

Odile Lecocq
Directrice régionale Océan Indien à Addictions France


Franck Lecas
Responsable Loi Evin à Addictions France