Lobbies de l'alcool : comment ils s’attirent l’amitié des politiques
Le Qatargate, dans lequel la vice-présidente du Parlement européen est soupçonnée de corruption, a mis en lumière l’opacité de l’intervention des lobbies qu’ils soient industriels ou étatiques au niveau de l’Union européenne. C’est ainsi que, dans un souci de transparence a priori louable, la présidente du Parlement européen, Roberta Metsola, a déclaré un séjour en Bourgogne payé par une fédération viticole française[1].
L’élue maltaise insiste sur le fait qu’elle est la première présidente à faire la transparence sur ses déplacements. Dont acte. Cependant, cette « transparence » n’est que partielle et n’épuise pas toutes les questions que cette invitation peut et doit soulever sur le lobbying des alcooliers. En effet, ce séjour a eu lieu le 22 octobre 2022 dans un hôtel-château médiéval de Bourgogne à 350 euros la nuit (plus taxes) et comprenait un dîner en cinq plats. On est loin d’un repas de travail, d’autant que son mari a bénéficié du même traitement.
Ce séjour n’a pas été rendu public immédiatement, mais en janvier 2023 dans le contexte du scandale de corruption qui a jeté le doute sur le niveau d’intégrité au sein du Parlement européen. Sans ce scandale, ce séjour serait probablement resté ignoré. Il est l’une des dernières illustrations de la stratégie d’influence usée de longue date par le lobby du vin pour s’attirer les faveurs des politiques. Rappelons que lors de la dernière opération (réussie) d’affaiblissement de la Loi Evin en France, la compagne du président de la République, avait elle-aussi été invitée par une confrérie viticole[2].
La confrérie qui a reçu cette fois-ci Roberta Metsola, les Chevaliers du Tastevin, s’inscrit dans cette logique. L’intendant général de la confrérie Arnaud Orsel a ainsi déclaré à Politico[3] l’avoir accueillie en tant « amoureuse du vin et en sa qualité de Présidente du Parlement européen ». C’est donc autant la femme que la fonction qui intéresse le lobby. Déjà en 2021, Emmanuel Macron et la Chancelière allemande Angela Merkel avaient eu l’insigne honneur d’être nommés “grand officiers” de cette même confrérie[4].
Alors que des mesures concernant l’alcool sont à l’agenda européen (étiquetage, avertissements sanitaire, plan cancer européen), ce séjour fastueux est problématique. Le Parlement européen s’est déjà illustré l’an dernier par son opposition, lors de l’adoption du rapport sur la lutte contre le cancer, à la reconnaissance du lien scientifiquement prouvé entre consommation d’alcool et cancer, et à la nécessité d’agir à cet égard. Là encore, les intérêts commerciaux des lobbies alcooliers, français et italiens en première ligne, ont prévalu, contre la science mais surtout contre la santé des européens.
En acceptant une invitation luxueuse, que seul un lobby riche peut se permettre, Madame Metsola cautionne l’argumentaire d’un lobby contre la santé. On pourrait se demander si la présidente du Parlement européen accepterait avec la même facilité une séance de travail et d’échange sur l’alcool avec les acteurs de santé européens, et notamment Eurocare, organisation à la pointe en matière de réduction du risque alcool. Il en va de la capacité de la présidente du Parlement européen à traiter ses interlocuteurs avec équité et ce, quels que soient leurs moyens.
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[1] https://www.politico.eu/article/roberta-metsola-wine-eu-parliament-president-lavish-dinner-free-hotel-le-cep-stay-revealed-confrerie-des-chevaliers-du-tastevin/
[2]https://www.larvf.com/,vins-vinexpo-salon-francois-hollande-julie-gayet-saint-emilion-cheval-blanc,4430849.asp
[3] https://www.politico.eu/article/roberta-metsola-wine-eu-parliament-president-lavish-dinner-free-hotel-le-cep-stay-revealed-confrerie-des-chevaliers-du-tastevin/
[4] https://www.larvf.com/le-chateau-du-clos-de-vougeot-lieu-de-pouvoir-en-cote-de-nuits,4777256.asp
Myriam Savy |
Bernard Basset |
English version
Alcohol lobbies: how they win the friendship of politicians
The Qatargate has highlighted the opacity of the intervention of industrial and state lobbies at the European Union level. Thus, in an apparently commendable effort at transparency, the President of the European Parliament, Roberta Metsola, who is leading attempts to tackle corruption, declared a trip to Burgundy paid for by a French wine federation.
The Maltese politician insists that she is the first president to be transparent about her travels. Duly noted. However, this « transparency » is only partial and does not exhaust all the questions that this invitation can and must raise about the lobbying of alcohol producers. Indeed, this stay took place on October 22 last year in a medieval castle-hotel in Burgundy at €350 per night (plus tax) and included a five-course dinner. This is far from a working meal, especially when her husband enjoyed the same treatment.
This stay was only made public in January 2023, with the Qatargate corruption scandal casting doubt on the integrity of members of the European Parliament. Without the scandal, this visit would probably have remained unnoticed. It is one of the latest illustrations of the wine lobby’s long-standing strategy of influence to curry favour with politicians. Let us recall that during the last (successful) operation to weaken the Evin Law in France, the companion of the President of the Republic was also invited by a wine brotherhood.
The brotherhood that this time received Roberta Metsola, the Knights of the Tastevin, follows the same logic. The general intendant of the brotherhood, Arnaud Orsel, told Politico that he had welcomed her as « a lover of wine and in her capacity as President of the European Parliament ». It is, therefore, as much the woman as the function that interests the lobby. Already in 2021, Emmanuel Macron and German Chancellor Angela Merkel had the honour of being named « grand officers » of this same brotherhood.
At a time when measures concerning alcohol are on the European agenda (labelling, health warnings, European cancer plan), this lavish visit is problematic. The European Parliament already distinguished itself last year by its opposition, during the adoption of the report on the fight against cancer, to the recognition of the scientifically proven link between alcohol consumption and cancer, and to the need to act in this regard. Here again, the commercial interests of the alcohol lobbies, French and Italian in the forefront, prevailed, against science but above all against the health of Europeans.
By accepting a luxurious invitation, which only a wealthy lobby can afford, Ms Metsola is endorsing the arguments of a lobby which work against health. One might ask whether the President of the European Parliament would accept with the same ease a working and exchange session on alcohol with European health actors, and in particular Eurocare, a leading organisation in the field of alcohol risk reduction. The ability of the President of the European Parliament to treat her interlocutors fairly, regardless of their means, is at stake.